Frederic d'Allemagne, 11211190 (âgé de 69 ans)

Nom
Frederic /d'Allemagne/
Prénom(s)
Frederic I Barberousse
Nom de famille
d'Allemagne
Naissance 1121
Profession
Empereur Allemand, Roi de Germanie

Naissance d’une demi-sœurBerthe de Souabe
vers 1123 (âgé de 2 ans)

MariageAd?la?de de VohburgAfficher cette famille
1147 (âgé de 26 ans)

MariageB?atrice de BourgogneAfficher cette famille
10 juin 1156 (âgé de 35 ans)

Naissance d’un filsRenaud d'Allemagne
1161 (âgé de 40 ans)

Naissance d’une filleB?atrice d'Allemagne
1162 (âgé de 41 ans)

Naissance d’un filsGuillaume d'Allemagne
1163 (âgé de 42 ans)

Naissance d’un filsFrédéric d'Allemagne
1164 (âgé de 43 ans)

Naissance d’un filsHenri de Germanie
novembre 1165 (âgé de 44 ans)

Naissance d’un filsConrad de Souabe
1167 (âgé de 46 ans)

Naissance d’un filsFrédéric d'Allemagne
1167 (âgé de 46 ans)

Naissance d’un filsOtton de Bourgogne
1171 (âgé de 50 ans)

Naissance d’une filleSophie d'Allemagne
1175 (âgé de 54 ans)

Naissance d’un filsPhilippe de Hohenstaufen
1176 (âgé de 55 ans)

Décès du pèreFrédéric d'Allemagne

Décès de la mèreJudith de Bavi?re

Décès 10 juin 1190 (âgé de 69 ans)

Famille avec les parents
père
mère
lui
La famille de la mère avec une personne inconnue
mère
demi-sœur
Famille avec Ad?la?de de Vohburg
lui
épouse
Mariage Mariage1147
Famille avec B?atrice de Bourgogne
lui
épouse
Mariage Mariage10 juin 1156
6 ans
fils
2 ans
fille
2 ans
fils
2 ans
fils
23 mois
fils
2 ans
fils
1 an
fils
5 ans
fils
5 ans
fille
2 ans
fils
Note

Empereur romain germanique de la maison de Hohenstaufen (Waiblingen, 1122 ? en Cilicie, 1190).

Duc de Souabe, roi de Germanie en 1152, empereur en 1155, Frédéric Barberousse appartient ? la lign?e des Hohenstaufen (cette dynastie tire son nom du ch?teau familial de Hohenstaufen, pr?s de G?ppingen en Souabe), qu'Henri IV, au XIe si?cle, a ?lev?s au rang de princes d'Empire en faisant de Frédéric de Beuren, grand-p?re de Barberousse, un duc de Souabe. Gibelin par son p?re, guelfe par sa m?re, il est ?lu sans difficult? roi ? Francfort, ? la mort de Conrad III. Pendant 38 ans de ?gouvernement ? cheval?, cet homme imaginatif, empiriste et large de vues, tente de consolider le pouvoir royal en Germanie et de donner son sens plein au pouvoir imp?rial.

Le r?ve carolingien

Instigateur de la canonisation de Charlemagne, Frédéric Barberousse m?ne une politique d'esprit carolingien.

La politique int?rieure

Frédéric agrandit et r?organise ses domaines; il d?veloppe les liens f?odaux pour rassembler l'aristocratie en une pyramide d'hommages aboutissant ? sa personne; il favorise les princes territoriaux, qu'il laisse agir ? leur guise sur les fronti?res orientales contre les Slaves. Mais il fait respecter l'autorit? publique en publiant une constitution de paix qui interdit les guerres priv?es. Politique lourde de dangers, toutefois: en 1176, la r?volte d'Henri le Lion, duc de Saxe et de Bavi?re (qu'il fit mettre au ban de l'Empire en 1181, et for?a ? s'exiler apr?s l'avoir vaincu par les armes), manifeste la volont? des princes de refuser les tentatives centralisatrices de l'empereur; la r?volte est mat?e, mais au prix de concessions et de privil?ges qui renforcent l'aristocratie.

La lutte avec la papaut?

Frédéric entend contr?ler ?troitement l'?glise allemande et interpr?te dans un sens large le concordat de Worms. Cette reprise en main s'?tend ? la Bourgogne (di?te de Besan?on en 1157), ce qui provoque un conflit avec la papaut?, que la politique italienne de Frédéric ne fait qu'aggraver.

Il veut, en effet, gouverner effectivement l'Italie. Apr?s la soumission de Milan, la di?te de Roncaglia, tenue en 1158, ordonne aux villes et aux ?v?ques de restituer ? l'empereur les droits r?galiens usurp?s; puis Frédéric entreprend de mettre en place une administration nouvelle: sous la direction d'un archichancelier, des podestats repr?sentent l'empereur dans les villes. Ces mesures provoquent une vive opposition: une alliance se noue entre le pape, les villes du Nord, qui acceptent mal la perte de leur libert?, regroup?es un peu plus tard dans la Ligue lombarde, et les Normands d'Italie du Sud, contre le parti imp?rial. Pour vaincre, Frédéric n'h?site pas ? favoriser un schisme dans l'?glise; il oppose un antipape, Victor IV, et fait appel aux troupes de ses vassaux allemands. Finalement, Frédéric subit un ?chec d?sastreux ? Legnano en mai 1176. Il traite alors (trait? de Venise, 1177), met fin au schisme, renonce ? certaines mesures prises ? Roncaglia. Mais, changeant de politique, il retourne la situation en sa faveur (trait? de Constance, 1183): il reconna?t la Ligue lombarde, en fait son alli?e et son principal instrument en Italie. En 1187, la chute de J?rusalem impose la paix entre le pape et l'empereur.

Chronologie (1152): Frédéric Ier Barberousse est ?lu roi de Germanie

Le crois?

Frédéric pr?pare alors une croisade dont il a ?t? persuad? pendant tout son r?gne qu'elle serait n?cessaire.

? la recherche du pouvoir universel

Barberousse a repris ? son compte les proph?ties colport?es au XIIe si?cle sur le th?me du ?bon empereur?, le dernier avant le r?gne de l'Ant?christ, et qui irait sur le tombeau du Christ remettre ? celui-ci ses pouvoirs. La croisade lui permet aussi d'affirmer ses pr?tentions au pouvoir universel: sa politique de vassalisation de la Boh?me, de la Hongrie et surtout de la Serbie l'a mis directement en conflit avec Constantinople; en ce sens ?galement s'explique le mariage de son fils, le futur Henri VI, avec l'h?riti?re du royaume normand de Sicile: l'hostilit? ? Constantinople est une constante de la politique normande.

L'amorce d'une revanche contre la papaut?

Par la croisade, enfin, Frédéric entend faire pi?ce aux pr?tentions th?ocratiques de la papaut?: celle-ci affirmait depuis le milieu du XIIe si?cle que le pouvoir imp?rial vient de Dieu par l'interm?diaire du pape; au contraire, fid?le au vieux principe de la s?paration des puissances, Frédéric affirma toute sa vie qu'il tenait son pouvoir de Dieu seul par l'?lection des princes.

L'annonce de son d?part en croisade permit ? Frédéric d'obtenir de la papaut? que son fils lui succ?d?t comme empereur: grand pas vers l'h?r?dit? de la couronne, indispensable pour l?gitimer les pr?tentions ? l'empire universel. Ce plan aurait pu r?ussir. Mais son ex?cution fut brusquement interrompue par la mort de Frédéric, qui se noya dans les eaux du Cydnus, un fleuve d'Asie Mineure, connu aujourd'hui sous le nom de Tarsonos Tcha?.

La l?gende de Kyffh?user

La mort accidentelle de Frédéric Ier et la disparition de son cadavre firent na?tre la l?gende selon laquelle l'empereur n'?tait pas mort mais gisait endormi dans les flancs de la montagne de Kyffh?user, en Thuringe, et qu'il reviendrait prendre la t?te du peuple allemand dans une grande Germanie.

Cette l?gende s'est form?e au XIIIe si?cle, intimement m?l?e aux l?gendes mill?naristes attach?es au souvenir de Frédéric II. Sa localisation ? Kyffh?user ne date que du XVe si?cle et la substitution de Frédéric Ier ? Frédéric II du si?cle suivant.

Frédéric Barberousse et son r?ve de domination universelle

Le 23 septembre 1122, le concordat de Worms avait ?tabli l'accord sur les bases ?crites par le Pape Calixte II: "Que l'Eglise obtienne ce qui est du Christ et que l'Empereur ait tout ce qui lui revient." L'Empereur avait renonc? ? toute investiture par la crosse et l'anneau, r?serv?e au Pape ou ? l'?v?que cons?crateur; il avait promis la libert? des ?lections canoniques. De son c?t?, le Pape avait reconnu ? Henri le droit d'assister ? l'?lection des ?v?ques et des abb?s, mais sans employer ni violence ni simonie : " l'?lu recevra de lui les droits r?galiens et remplira exactement ses devoirs de vassal ". L'ann?e suivante, le concile r?uni ? Rome avait confirm? ces sages d?cisions.

La Querelle des Investitures semblait close.

Trente ans ? peine apr?s le concordat de Worms la question de la primaut?, sortant des discussions th?oriques, passait sur un plan terriblement pratique.

Un prince allait ?crire : " Puisque, par disposition divine, je m'appelle et je suis empereur des Romains, si je n'ai pas le gouvernement de Rome, je n'ai que l'ombre du pouvoir. "

Allait-on voir revivre les pr?tentions de Charlemagne et des Ottons? Les Papes ne pourraient l'accepter.

Le prince qui osera tenir un tel langage ?tait, en 1152, lors de son av?nement au tr?ne germanique, un homme d? trente ans, en qui le sens de la grandeur et la passion de la gloire se trouvaient servis par d'?minentes qualit?s.

Grand, droit, la taille svelte, c'?tait le type m?me de ces jeunes Allemands en qui l'?quilibre moral et la sant? s'accordent au service de la volont? de puissance et de l'instinct de combativit?. Rien en lui n'annon?ait les complications qu'on trouvera chez son fils et son petit-fils; c'?tait un soldat, un conducteur d'hommes, un animal d'action, d'ailleurs non d?pourvu d'intelligence et de jugement. On ne peut que rendre hommage ? son caract?re, en qui la cruaut? ne portait pas ombrage ? la noblesse et dont la violence se m?lait de g?n?rosit?. Profond?ment croyant, il ?tait pratiquant et charitable, et jamais sa foi ne fut mise en conteste, m?me aux pires moments de ses batailles contre le Saint-Si?ge. Il avait la peau claire, les yeux bleus et vifs, une belle bouche rouge aux dents brillantes, qu'entourait une barbe fournie, aux reflets d'or et de flamme, "Barbarossa", disaient les Italiens; le sobriquet est pass? dans l'histoire. De 1152 ? 1190, la politique va ?tre domin?e par la haute stature de Frédéric ler Barberousse, le plus grand des empereurs allemands.

Le monde germanique avait, depuis trente ans, connu une ?clipse. En mourant sans enfants (1125), Henri V avait laiss? une situation confuse, o? les ambitions des f?odaux avaient pu se donner carri?re. Trois familles ?taient en course : celle de Saxe qui, depuis la minorit? de Henri IV secouait l'autorit? imp?riale; celle des Wells, puissants dans l'alentour du lac de Constance, ducs h?r?ditaires de Bavi?re depuis 1070; celle enfin des ducs de Souabe et Franconie, solidement install?s entre B?le et Mayence, si riches qu'ils " tra?naient un ch?teau ? la queue de leur cheval ", disait un proverbe, les Hohenstaufen qu'on d?signait aussi du nom de leur terre de Weiblingen. La comp?tition entre " Gibelins " et " Guelfes " (comme on pronon?ait en Italie) avait laiss? monter au tr?ne le Saxon Lothaire (1125-1137); mais ? la mort de celui-ci, le Gibelin Conrad III (1138-1152) avait gagn? de vitesse ses adversaires, ceint la couronne, puis battu les Welfs r?volt?s. Un mariage de la veuve du Welf vaincu avec le fr?re du Staufen vainqueur avait mis fin - pour un temps - ? la lutte, mariage d'o? ?tait n? Frédéric, guelfe et gibelin tout ensemble, pr?destin?, semblait-il, ? mener une Allemagne r?concili?e vers de hauts desseins.

Simultan?ment, la Papaut? avait connu, elle aussi, un temps d'effacement. De graves troubles avaient ?branl? Rome et la Chr?tient?. A la mort de Calixte II, un antipape s'?tait dress? contre Honorius II; ? la mort de celui-ci, Innocent II en avait vu surgir un autre, Anaclet, et cela avait ?t?, plus de dix ans, ce terrible schisme ? l'apaisement duquel Saint Bernard avait travaill? de toute son autorit?. Deux Papes de peu de poids, C?lestin II et Lucius II, avaient suivi; Eug?ne III (1145-1153), le cistercien, ami de saint Bernard, le destinataire de l'admirable De Consideratione, avait op?r? un r?el redressement de la Papaut?, raffermi la vie intellectuelle et morale, raviv? l'enthousiasme pour la Croisade, fait capituler divers h?r?tiques, mais, apr?s lui, le vieil Anastase IV (1153-1154) paraissait bien faible pour tenir t?te ? l'entreprenant roi de Germanie.

La situation cependant, en Italie, se trouvait compliqu?e du fait de deux ?l?ments nouveaux. L'un ?tait la formation du royaume normand de Sicile. En 1101, avait succ?d? au conqu?rant Roger ler son fils Roger II, excellent diplomate autant que chef de guerre, un vrai Hauteville. Avec lui (1101-1154) l'aventure normande avait atteint ? la grandeur. Vainqueur, puis h?ritier de son cousin Guillaume, Roger Il avait unifi? l'Italie du Sud, sans tenir compte des protestations du Pape; quand Honorius ?tait intervenu, son arm?e s'?tait fait battre et, en 1128, ? B?n?vent, dans une pompe barbare, ? la lueur des torches, le Normand avait re?u l'investiture du duch? de Pouille. D?sireux d'aller plus loin, Roger avait habilement tir? parti des difficult?s o? le schisme d'Anaclet pla?ait l'Eglise et, malgr? les supplications qu'?tait venu lui adresser ? Salerne saint Bernard, il avait soutenu l'antipape et, le 23 d?cembre 1130, dans le ruissellement des ?toffes pr?cieuses et l'?clat des armes niell?es d'or, s'?tait fait couronner roi. A la mort d'Anaclet, il avait suscit? un autre antipape, Victor IV, qui d'ailleurs, presque aussit?t. avait fait sa soumission ? Innocent Il. Mais quand le Pape avait essay? de briser cette r?sistance par les armes, Roger l'avait bel et bien battu, lui aussi, et avait exig? l'investiture royale en Sicile, ducale en Pouille, et princi?re ? Capoue. Et, d?sormais, le royaume normand, o? r?gnait une discipline rare en ce temps, devenait un ?l?ment important de la politique italienne.

L'autre ?tait le d?veloppement des villes. Le d?but du XIIe si?cle correspond, pour l'Italie, au mouvement de lib?ration communale. El?ment compliqu? d'une politique qui n'?tait d?j? pas simple ! Car les haines entre cit?s ?taient f?roces; Milan d?testait Pavie; Venise, G?nes et Pise se vouaient mutuellement aux g?monies. A l'int?rieur m?me des villes les antagonismes n'?taient pas moins s?v?res, dont la l?gende de Rom?o et Juliette a immortalis? le souvenir, la haine des Montecchi contre les Cappelletti. Hostiles ? ce mouvement communal, l'Eglise et l'Empire allaient jouer des parties embrouill?es, la querelle allemande des Guelfes et des Gibelins se transposait dans la p?ninsule entre lutte pour ou contre la Papaut?.

A Rome m?me, le mouvement communal avait ?clat? comme une bombe. Jusqu'alors le Pape d?tenait seul l'autorit?; il nommait le pr?fet de la ville, commandait la milice, jugeait au criminel. Les " consuls romains ", en ?pit de leur titre pompeux, n'?taient que ses fonctionnaires. Mais si puissant qu'il f?t, il avait maints turbulents adversaires, aristocrates qui regrettaient le temps o? ils faisaient les Papes, pl?be urbaine qu'un rien suffisait ? agiter. En 1143, l'?meute enleva le Capitole et y installa un S?nat. En vain Lucius se fit-il blesser ? mort en essayant de reprendre le Capitole. Eug?ne Ill accepta de reconna?tre le S?nat, heureux de pouvoir faire r?server son droit d'investiture (1145).

La situation se g?ta quand apparut ? Rome un homme ?trange, merveilleux orateur prompt ? fanatiser les foules, Arnaud de Brescia. C'?tait un chanoine r?gulier, de vie aust?re, hant? d'id?es apocalyptiques, un visionaire doubl? d'un tribun. Les id?es qu'il professait n'?taient pas tr?s ?loign?es de celles qui, dans sa g?n?rosit? sublime, avaient inspir? Pascal II, mais il y ajoutait des ?l?ments sociaux et politiques qui faisaient de lui l'h?ritier de la Pattaria, cette pl?be violemment r?formatrice qui avait tant agit? l'Italie au si?cle pr?c?dent. Plus de contamination des pouvoirs ! L'autorit? civile aux seuls la?ques ! Le clerg?, abandonnant ses domaines et ses terres, vivra des seules d?mes et de la charit? publique ! Condamn? par son ?v?que en 1139, pass? en France o? Ab?lard, son ami, l'avait accueilli avec joie, chass? du royaume sur la demande de saint Bernard, le champion r?volutionnaire arriva ? Rome au moment m?me (1140) ou Eug?ne III ?tait contraint de quitter la Ville Eternelle. L?, ses discours exalt?s contre les tares de l'Eglise eurent un retentissement ?norme. La majeure partie du peuple, maints ?l?ments du clerg? m?me, se ralli?rent ? lui. Devenu une mani?re de dictateur, Arnaud soulevait les Romains en leur promettant de reconstruire l'antique gloire de la Ville, la Rome des conqu?rants, la R?publique avec son S?nat, son ordre ?questre, le tribunat du Peuple... M?me quand, en 1145, avec l'aide de Roger de Sicile, Eug?ne III eut pu rentrer ? Rome, il fut oblig? de composer avec le terrible tribun. Une troisi?me conception de la domination universelle se posait donc en rivale ? la fois de celle du Pape et de celle de l'Empereur.

A peine arriv? au pouvoir, Frédéric Barberousse tourna ses regards vers Rome. Son mod?le ?tait Charlemagne. Unifier sous une autorit? dont les rois de France, d'Angleterre et de Sicile donnaient de si heureux exemples tous ses domaines d'Allemagne et d'Italie, cela n'e?t pas suffi ? son immense app?tit. Ce ? quoi il visa d'embl?e, et, avec patience, jusqu'? sa fin, ce n'?tait rien de moins que la restauration de l'universelle autorit? imp?riale. Ne se proclamait-il pas : Romanorum imperator semper Augustus, divus, piissimus, imperator et gubernator urbi et orbi ? Charlemagne n'en avait pas tant dit. H?ritier, depuis 1133, du royaume d'Arles, ce d?bris de l'ancienne Lotharingie, qui englobait, outre la Provence, la Franche-Comt?, la Bourgogne, le Lyonnais, le Viennois, la Suisse occidentale, la Savoie et le Dauphin?. Son tr?ne n'avait pas annex? ces terres fran?aises; il ?pousa en 1156 l'h?riti?re de la Haute-Bourgogne et vint ceindre ? Arles la couronne bourguignonne. Tous les rois lui paraissaient des lieutenants ? ses ordres : celui de Pologne, Boleslas, qui accepta de, s'agenouiller devant lui; celui de Hongrie et celui de Danemark qui se reconnurent ses vassaux; celui de Boh?me, qu'il cr?a en donnant au duc Ladislas une couronne d'or plus symbolique que r?elle; seuls ceux de France et Angleterre, Louis VII et Henri Plantagenet, tout en manifestant envers ce haut seigneur une protocolaire d?f?rence, refus?rent de se soumettre; Frédéric les qualifiait de " r?gents de province " ou de " roitelets ".

Comment un tel homme e?t-il pu accepter de voir se dresser en face de lui la primaut? pontificale? Le gouvernement de Rome ?tait indispensable ? la r?ussite de son vaste programme. Deux ans apr?s son av?nement, il se mit en marche. Un instant, on put croire que le r?ve du Germain et celui du tribun de Rome allaient s'allier; Arnaud de Brescia, " le S?nat et le Peuple romain " reconnurent Frédéric et lui propos?rent la couronne imp?riale. Ils ne re?urent comme r?ponse que la lettre c?l?bre : " Pourquoi me vantez-vous la gloire de votre ville, la sagesse de votre s?nat, la valeur de votre jeunesse ? Rome n'est plus dans Rome. L'antique gloire romaine, la majest? de la pourpre s?natoriale, la valeur et la discipline de l'ordre ?questre, voulez-vous les revoir ? Regardez notre Etat. Tout cela est pass? chez nous, avec l'Empire. Je suis votre ma?tre l?gitime " ! La commune romaine p?serait peu devant l'arm?e allemande. Le vieux Pape Anastase s'?teignait. L'affaire semblait r?gl?e.

C'est alors que surgit l'homme providentiel qui allait faire ?chec ? ces pr?tentions. C'?tait un Anglais, un de ces hommes d'?corce rude et d'intelligence vive, tenaces comme des dogues, ainsi qu'il en na?t dans les Iles Britanniques. Son p?re ?tait un paysan, brutal dit-on, qui, sur ses vieux jours, s'?tait fait fr?re lai dans un couvent; lui-m?me avait grandi parmi les clercs, ?tait devenu chanoine r?gulier de Saint-Ruf en Avignon; Eug?ne III l'avait cr?? cardinal et envoy? comme l?gat en Scandinavie. Anastase IV ?tant mort le 3 d?cembre 1154, quarante-huit heures apr?s le Sacr?-Coll?ge ? l'unanimit? ?lisait Nicolas Breakspeare qui prit le nom d'Adrien IV (1154-1159)

Frédéric ?tait en Italie du Nord. Il avait rassembl? ses vassaux dans la plaine de Roncaglia pr?s de Plaisance, cit? par devers lui les repr?sentants des villes et promis des r?formes, annonc? son intention de ceindre ? Pavie la couronne de fer des rois lombards, puis d'aller ? Rome. Momentan?ment les int?r?ts du Pape et de l'Empereur se trouvaient d'accord; Frédéric ne voulait aucun bien ? Arnaud de Brescia et Adrien IV venait de jeter l'interdit sur Rome o? un cardinal avait ?t? assassin?. Une entente s'?tablit donc entre eux, pleine de r?ciproque m?fiance; Iors de leur rencontre, Frédéric se refusa d'abord ? remplir le service de " Mar?chal ", menant le cheval et tenant l'?trier du Pape, qui, depuis des si?cles, ?tait protocolaire, et il n'y consentit que lorsqu'on lui eut expliqu? que cette tradition remontait ? Charlemagne.

Amenant le Pape avec lui, Frédéric Barberousse s'avan?a donc vers Rome, occupa par surprise la Cit? L?onine, cependant que le reste de la ville demeurait au pouvoir de la commune. Le 18 juin, derri?re les portes de Saint-Pierre d?ment closes, se d?roula la c?r?monie du Couronnement imp?rial. Quand, alert?e par les ovations des soldats, la population se rua vers la basilique, une charge meurtri?re la rejeta. " Voyez, dit aux vaincus un proche de l'Empereur, au lieu d'or on vous donne du fer; c'est la Monnaie dont se servent les Germains. " Peu apr?s, Arnaud ?tait saisi, pendu, br?l?, ses cendres jet?es au Tibre; le Pape reconstituait son pouvoir sur les ruines de la R?publique. Quant ? l'Empereur, il repartit, inquiet des ravages que la " malaria " faisait parmi ses troupes. Son orgueil et sa duret? laissaient derri?re lui une m?fiance g?n?rale.

D?barrass? d'un encombrant associ?, Adrien IV r?fl?chit. Pour faire contrepoids il lui fallait des alli?s. Milan, premi?re des cit?s lombardes, nourrissait envers le Germain les m?mes sentiments que le Pape. D'autre part, le fils de Roger II de Sicile, Guillaume (1154-1166) celui qu'on surnommait " le mauvais " et m?ritait assez ce qualificatif - apr?s avoir ?t? en lutte avec la Papaut? et avoir, lui aussi, culbut? les troupes pontificales, curieusement alli?es aux Byzantins de Manuel Comn?ne, s'inqui?tait des menaces germaniques; Adrien IV n'h?sita pas ? lui confirmer les titres et les droits qu'il avait h?rit?s de son p?re, y compris l'exceptionnelle ind?pendance dont la Sicile jouissait en mati?re eccl?siastique. La cour imp?riale vit d'un mauvais oeil ces rapprochements dont le sens ?tait clair. Pr?s de Barberousse, l'?me de la lutte antipontificale ?tait le chancelier Rainald de Dassel, une sorte d'aventurier de la diplomatie, que le respect des promesses n'embarrassait gu?re. La tension entre les deux ma?tres de la Chr?tient? grandit vite.

Un incident fit ?clater le conflit : l'arrestation de l'archev?que de Lund par l'Empereur. Le Pape envoya une lettre cat?gorique, que deux l?gats all?rent porter ? Besan?on, o? Frédéric, en ce printemps 1157, tenait une di?te. La missive fit, dans cette assembl?e d'imp?riaux, l'effet d'une provocation. En des termes ambigus, sans doute pr?m?dit?s, Adrien IV rappelait ? l'Empereur les bienfaits (beneficia) qu'il lui devait, entre autres la couronne imp?riale qui lui avait ?t? conf?r?e (collata). Rainald de Dassel cria ? l'insulte. Beneficia! c'?tait le mot dont on d?signait les fiefs conc?d?s par un suzerain ? un vassal. L'Assembl?e hurla de v?h?mentes protestations. Les deux l?gats ne se laiss?rent pas intimider. ' Et de qui donc l'Empereur tient-il la couronne, sinon du Pape ? " demanda le cardinal Roland. Ce sur quoi un aide de camp se jeta sur lui l'?p?e nue et l'e?t bel et bien tu?, si Frédéric lui-m?me n'e?t couvert le pr?tre de son corps. Devant une telle col?re, Adrien IV crut-il ?tre all? trop loin ? On bien jugea-t-il suffisant l'effet produit ? Il pr?cisa qu'il avait voulu parler de " bienfaits " et non de " fiefs " : beneficium non leudum sed bonum factum. Mais les l?gats eurent interdiction d'inspecter l'Allemagne; Rainald organisa une propagande antipontificale. Les paroles blessantes se crois?rent comme des lames. La guerre ?tait virtuellement engag?e.

L'enjeu en apparut clairement quand, l'ann?e suivante, ? la nouvelle di?te de Roncaglia (1158), Frédéric fit exposer par les quatre plus c?l?bres juristes du temps la doctrine de l'autorit? imp?riale absolue, telle que la concevait le droit romain, alors en pleine renaissance, c'est-?-dire la doctrine la plus radicalement oppos?e ? la th?se pontificale. Puis passant aux applications, il ?dicta une r?organisation de l'Italie, inspir?e des Pandectes et des m?thodes bysantines, imposant l'autorit? imp?riale, interdisant les de villes, instituant m?me une monnaie unique; plan grandiose, mais qui, pour s'appliquer, ne pouvait ?viter de recourir ? la force. C'est l? que le drame commen?a.

Pour mater les villes italiennes, Frédéric voulut leur imposer des officiers imp?riaux, les podestats. A G?nes, ? Brescia, ? Cr?mone, ? Plaisance, les r?sistances s'organis?rent. A Milan, ce fut la r?bellion. Deux ans et demi, l'h?ro?que cit? brava l'arm?e imp?riale. A bout de vivres enfin elle dut capituler; les Milanais bris?rent solennellement le symbole de leur libert?, le carroccio, tra?n? par quatre boeufs et portant l'?tendard communal. Frédéric eut la cruaut? de livrer ? l'incendie toute la ville, ?glises comprises, tandis que la population ?tait dispers?e et condamn?e aux travaux forc?s. Pour se distraire, les soldats germaniques jouaient aux boules avec les t?tes des prisonniers ?gorg?s... (printemps 1162).

De Rome, Adrien IV avait suivi ce drame avec angoisse. Les biens de la comtesse Mathilde venaient d'?tre pris par le duc de Bavi?re alors que la d?funte e?t voulu les l?guer au Saint-Si?ge. Des archev?ch?s importants, tels Cologne et Ravenne, ?taient affect?s ? des favoris de Frédéric. Et quand le Pape protesta, il lui fut r?pondu par la Chancellerie que la possession de Rome ?tait n?cessaire ? la r?alisation des plans, forg?s ? Roncaglia et que bient?t l'Empereur s'y installerait. R?fugi? ? Anagni, Adrien IV s'appr?tait ? excommunier Frédéric, quand il mourut le 1er septembre 1159.

Cette mort pr?matur?e allait-elle livrer l'Eglise ? l'emprise imp?riale? A une majorit? ?crasante, les cardinaux ?lurent ce m?me cardinal Roland qui, ? Besan?on, avait brav? l'ire germanique. Alexandre III (1159-1181) ?tait un homme doux et ferme, un juriste de premier plan et un diplomate comme en forme la Toscane. L'Empereur ne se m?prit point sur ce choix et se lan?a dans la lutte. Trois cardinaux dissidents ayant ?lu un antipape, Victor IV, l'Empereur aussit?t le reconnut.

En fait, la tentative shismatique imp?riale n'eut aucun succ?s. Seule l'Allemagne accepta son pontife. R?fugi? ? Sens, Alexandre III ?tait trait? avec les plus grands ?gards par Louis VII, reconnu par Henri Il d'Angleterre, accept? par presque tout l'Occident. M?me le drame terrible qui, peu apr?s, allait opposer l'Anglais ? l'Eglise et co?ter la vie ? saint Thomas Becket ne mit pas en cause l'autorit? d'Alexandre. Frédéric se sentit ?branl? par cette unanimit?, mais il ne pouvait plus reculer. A la mort de Victor IV, il fit ?lire un second antipape, Pascal III. Celui-ci d?cida alors de canoniser Charlemagne. On venait ? Aix-la-Chapelle de retrouver les ossements du grand anc?tre; Frédéric les fit d?poser dans unecuve d'or, somm?e d'un tabernacle couronn? de lumi?re. Des f?tes g?antes eurent lieu ? cette occasion le 29 d?cembre 1165 ? Aix, dont la somptuosit? frappa les comtemporains.

La mort de Pascal III intervint rapidement et un troisi?me antipape fut "nomm?": Calixte III. Que pesaient ces fantoches?

Le moment d'agir ?tait venu pour Alexandre III. Revenu ? Rome en novembre 1165, accueilli en lib?rateur, il se lan?a dans une activit? diplomatique qui fit de lui le centre de la r?sistance ? l'Empereur. La Sicile resserra son alliance; Venise en proposa une. Des ligues urbaines naquirent, l'une autour de V?rone, l'autre autour de Cr?mone, dans laquelle Milan m?me, renaissant de ses cendres, entra. Habile, le Pape n?gociait pour en faire un bloc unique avec Venise. Un conseil g?n?ral de recteurs pris dans seize villes gouverna cette alliance : c'?tait le contrepied des d?cisions de Roncaglia.

En vain, franchissant les Alpes pour la quatri?me fois, en 1166, Frédéric traversa-t-il l'Italie du Nord, en vain s'empara-t-il de Rome o? il eut l'?trange id?e de se faire couronner derechef, cependant qu'Alexandre III fuyait d?guis? en p?lerin. Une catastrophe s'abattit sur lui qui parut un jugement de Dieu, une formidable ?pid?mie qui tua plus de la moiti? de son arm?e, et maints de ses proches dont Rainald. Il dut s'enfuir en Allemagne au prix de difficult?s incroyables, o? l'Imp?ratrice allemande m?me eut ? manier l'?p?e et o? l'Empereur, sur le point d'?tre pris, se d?guisa en valet pour se sauver (ao?t-septembre 1167). L'ann?e suivante, pour barrer la route aux Germains, se dressait, au confluent du Tanaro et de la Dormida, une nouvelle place forte ? laquelle on donna le nom du grand Pape: Alexandrie. "Ville de paille ", s'?cria avec d?rision Barberousse; mais il faudrait plus d'un feu pour en venir ? bout.

Sept ans durant, Frédéric rumina sa col?re. Son troisi?me antipape ne lui attirait pas plus que les deux autres la protection du ciel. En 1174, il recommen?a. Ce fut l'?chec. Ses sujets ?taient las de ces meurtri?res descentes en Italie. Il r?unit ? peine huit mille hommes qui se firent battre devant Alexandrie. Il r?clama des renforts mail ne put reconstituer qu'une arm?e de six mille hommes. Le 29 mai 1176, ? Legnano, entre le lac Majeur et Milan, les milices urbaines et les troupes pontificales - au total dix mille hommes, - faisaient face aux Germaniques. Sur le carroccio reconstitu? flottaient les ?tendards des villes. Le combat dura quelques heures. Barberousse, jet? bas de son cheval et sauv? de justesse par un officier qui lui donna sa monture, son porte-?tendard tu?, l'insigne pris, les troupes se d?band?rent.

Legnano, grande date de l'histoire m?di?vale, consacrait, dans les faits, la primaut? pontificale. Lors de la signature du trait?, l'Empereur aidait ? monter ? cheval, Alexandre III qui, en signe de pardon, lui donnait le baiser de paix. Jamais peut-?tre un successeur de saint Pierre n'avait paru plus grand; le 111?me Concile du Latran, XIe oecum?nique, r?uni en 1179, fut le triomphe du m?me Pape. Tout cependant n'?tait pas r?gl? des difficult?s qui avaient troubl? son pontificat; Barberousse ne songeait-il pas ? la revanche et ne l'avait-il pas pr?par?e par la paix de Constance, en obtenant le serment des communes italiennes, en comblant Milan de faveurs, en brisant en Allemagne Henri Le Lion, en regardant du c?t? de la Sicile ? A Rome, l'?meute grondait de nouveau et ce fut en exil, ? Civitacastellana, que mourut le Pontife, le 30 ao?t 1181. Mais six ans plus tard, la prise de J?rusalem par Saladin, soulevant la Chr?tient? enti?re, Frédéric Barberousse, en vrai chr?tien qu'il ?tait, partait pour la Croisade. Peut-?tre esp?rait-il aussi satisfaire, dans une victoire pour le Christ, le prurit de domination qu'il n'avait pu calmer dans les plaines d'Italie. Il ne devait pas en revenir.